Durant la tempête de sable de Fedoran, Mani se mit à ressasser de vieux souvenirs.
La première fois que c'était arrivé... ça avait été vraiment atroce. Quelques instants seulement après que la porte ait été refermée, son cri a retenti. Si vous aviez entendu cela! J'ai déjà eu des filles ayant mal vécu leur première fois, certaines ont pleuré mais là! Elle était dans une telle détresse... ses hurlements, ses larmes... un effroi sans nom. On eut dit que quelqu'un lui déchirait l'esprit ou l'écorchait vive.
Je l'ai sortie de là bien sûr; la petite se cramponnait à moi avec l'énergie du désespoir. Elle a passé les jours suivants convulsivement accrochée à moi ou, lorsque j'étais absente, prostrée sous mon lit. Sans manger ni boire. Juste à trembler sans s'arrêter, les yeux agrandis d'effroi ouverts sur une horreur qu'elle seule pouvait voir.
Et puis elle s'est calmée. S'est remise à parler, un peu. Je lui ai demandé ce qui lui était arrivé mais elle se fermait totalement, alors. Et je n'ai jamais rien su.
Tout alla à peu près bien jusqu'au
jour où elle voulut recommencer. Je refusai mais elle insista. Quand
elle a une idée en tête celle-là! Elle parlait toujours de dettes
qu'elle avait envers moi. Comme ça semblait sincèrement l'ennuyer, et
qu'avoir une fille de plus à travailler m'arrangeait par certains
côtés, j'ai fini par accepter. Mais je restai sceptique et inquiète.
Elle m'a quand même demandé de l'aide : un moyen de remplir son office mais sans rien ressentir. Rien : ni plaisir ni peur. C'est alors que je lui ai donné du naÿs. On inhale sa fumée et on perd conscience de ce qui nous entoure, on agit mécaniquement, tout sentiment aboli. Certains disent que notre vraie personnalité s'endort, je ne sais pas je ne connais personne qui en ait pris durant assez de temps pour que se déclarent des effets secondaires.
Le naÿs. C'est devenu sa drogue. Elle ne criait plus, elle n'avait plus peur. Elle faisait son travail. Les clients étaient contents. Ensuite je la récupérai une fois sa mission accomplie, mais dans quel état! Un pantin sans volonté. C'était tout de même assez effrayant ce regard vide. Je la baignai et la couchai. Moi ou Kenya. Elle était comme une poupée de chiffon entre nos mains. Un corps sans âme.
Heureusement quand le soleil se levait, elle était de nouveau elle-même : discrète, distante, rêveuse, ne parlant pas beaucoup mais toujours très gentille. Elle dessinait souvent. Toujours la même chose maintenant que j'y repense : une silhouette sombre avec une tâche rouge. Parfois elle dansait aussi. Lorsqu'elle danse, elle est quelqu'un d'autre. Comme lorsqu'elle prend du naÿs, sauf que là c'est l'opposé : elle est vivante, son visage exprime le bonheur, elle est belle, très belle. Les clients l'ont vite remarqué. Alors je la laissais danser le soir. Mais à chaque crépuscule, elle venait me réclamer le naÿs et tout recommençait. C'est devenu la routine.
Et un jour elle est partie de Fedoran. Une histoire de foulard rouge. Je ne l'ai même pas vue s'en aller. Quand je l'ai appris je l'ai cherchée mais elle avait complètement disparu. J'ai même pensée qu'elle avait été tuée.
Jusqu'à ce qu'elle reparaisse il y a quelques jours... mais là encore elle nous a de nouveau quittées. Et c'est mieux pour elle. Car même si elle me rapporte chaque fois qu'elle travaille pour moi, au fond je sais qu'elle n'est pas faite pour ça. Pas du tout. Alors j'ai hésité mais je l'ai laissée partir. A quoi bon la retenir? Je ne cherche pas une marionnette. Mais si elle revient...
La première fois que c'était arrivé... ça avait été vraiment atroce. Quelques instants seulement après que la porte ait été refermée, son cri a retenti. Si vous aviez entendu cela! J'ai déjà eu des filles ayant mal vécu leur première fois, certaines ont pleuré mais là! Elle était dans une telle détresse... ses hurlements, ses larmes... un effroi sans nom. On eut dit que quelqu'un lui déchirait l'esprit ou l'écorchait vive.
Je l'ai sortie de là bien sûr; la petite se cramponnait à moi avec l'énergie du désespoir. Elle a passé les jours suivants convulsivement accrochée à moi ou, lorsque j'étais absente, prostrée sous mon lit. Sans manger ni boire. Juste à trembler sans s'arrêter, les yeux agrandis d'effroi ouverts sur une horreur qu'elle seule pouvait voir.
Et puis elle s'est calmée. S'est remise à parler, un peu. Je lui ai demandé ce qui lui était arrivé mais elle se fermait totalement, alors. Et je n'ai jamais rien su.
Elle m'a quand même demandé de l'aide : un moyen de remplir son office mais sans rien ressentir. Rien : ni plaisir ni peur. C'est alors que je lui ai donné du naÿs. On inhale sa fumée et on perd conscience de ce qui nous entoure, on agit mécaniquement, tout sentiment aboli. Certains disent que notre vraie personnalité s'endort, je ne sais pas je ne connais personne qui en ait pris durant assez de temps pour que se déclarent des effets secondaires.
Le naÿs. C'est devenu sa drogue. Elle ne criait plus, elle n'avait plus peur. Elle faisait son travail. Les clients étaient contents. Ensuite je la récupérai une fois sa mission accomplie, mais dans quel état! Un pantin sans volonté. C'était tout de même assez effrayant ce regard vide. Je la baignai et la couchai. Moi ou Kenya. Elle était comme une poupée de chiffon entre nos mains. Un corps sans âme.
Heureusement quand le soleil se levait, elle était de nouveau elle-même : discrète, distante, rêveuse, ne parlant pas beaucoup mais toujours très gentille. Elle dessinait souvent. Toujours la même chose maintenant que j'y repense : une silhouette sombre avec une tâche rouge. Parfois elle dansait aussi. Lorsqu'elle danse, elle est quelqu'un d'autre. Comme lorsqu'elle prend du naÿs, sauf que là c'est l'opposé : elle est vivante, son visage exprime le bonheur, elle est belle, très belle. Les clients l'ont vite remarqué. Alors je la laissais danser le soir. Mais à chaque crépuscule, elle venait me réclamer le naÿs et tout recommençait. C'est devenu la routine.
Et un jour elle est partie de Fedoran. Une histoire de foulard rouge. Je ne l'ai même pas vue s'en aller. Quand je l'ai appris je l'ai cherchée mais elle avait complètement disparu. J'ai même pensée qu'elle avait été tuée.
Jusqu'à ce qu'elle reparaisse il y a quelques jours... mais là encore elle nous a de nouveau quittées. Et c'est mieux pour elle. Car même si elle me rapporte chaque fois qu'elle travaille pour moi, au fond je sais qu'elle n'est pas faite pour ça. Pas du tout. Alors j'ai hésité mais je l'ai laissée partir. A quoi bon la retenir? Je ne cherche pas une marionnette. Mais si elle revient...